9.01.19
    Je viens de manger une saucisse purée haricots avec un verre d'Anjou et tout mon corps ramollit en revenant de chez Alain. Ça pétille aux joues cette fatigue du geste et du froid et puis le vin du midi. J'ai demandé de la moutarde et là, à droite, ils parlent de l'impôt à la source qui vient de passer. Je sais pas bien comment me rappeler, je laisse faire.

Je me rappelle deux choses qu'Alain m'a dites, c'est que les vaches, c'est comme les femmes, y en a avec de belles formes et puis y en a des faluchettes.
Que les bios, ils sifflent plus que les conventionnels.

Au café, j'écris qu'il y a la pudeur, trois curatelles sur le dos et le souvenir des belles fêtes. Que les investissements, c'est aussi du shopping pour résister à ce sentiment de misère et que le salaire dépasse rarement 700 euros pour la famille. Que l'équarrisseur était pas encore passé. Que Alain, il dit pas que c'est dur, il dit que sa femme va pas bien. Il dit qu'il a des bons souvenirs et des belles machines et qu'il s’endort facilement à table.
J'ai vu que sa femme était malade et bien malade à l'endroit d'une inexistence.


Alain, il m'a reçue sans aucun besoin de comprendre, il m'a tout dit.





Il m'a aussi dit de jamais dire que j'irai pas au Zénith de Paris parce qu'on peut jamais savoir. Que lui il rêvait d'aller au salon de l'élevage et qu'un jour, ils ont mis le matelas dans la camionnette et qu'ils y sont allés, lui et Jérémy.





15.02.19
   
    Mon père m'appelle à 13h aujourd'hui pour me dire qu'il a bien réfléchi et qu'il s'est dit que, finalement, il me verrait bien responsable d'une petite exploitation agricole.
J'ai du mal à être claire – ni d'accord ni pas d'accord.
C'est mon histoire.








    Je crois que nous sommes nombreuses, coincées dans l'angle mort. Pas voulues viriles, pas voulues grandes, pas voulues folles. Nous sommes nombreuses encore déterminées dans le pré carré de campagne rêvée du père. Tournées vers de vieux monuments érigés. Dans l’impossibilité de reconnaître une sociabilité commune, un nouvel ordre, une économie fertile. Nos vieux habits nous racontent, nos bidouilles exprimées les yeux baissés, nos envies d'oisives, nos pardons et nos recherches. Nous sommes tout un tas de ces femmes sans autre ouvrage que celui de comprendre, ce qui agit dedans. Avec cette inquiétude qui nous attarde, dans les magasins, la nourriture et les divertissements. Empêchées de puissance, empêchées de richesse, parfois captives de valeurs décroissantes, recouvrant les culpabilités de bourgeois reconvertis.

Mon corps est encore figé et hâtif, agité vers l'autre, l'ailleurs, à l'extrémité de moi et vers des solutions rapides.
J'ai du mal à croire en ma capacité de cervelle à transcender cette foutu carcasse sociale.
Je fais tout comme il faut et mes tissus se tendent, quelque chose est en train de grandir mais ma colère a des contours solides.